Nous sommes arrives a La Paz entre deux averses. Quel spectacle impressionnant que cette ville de brique immense construite dans une cuvette ou les plus riches vivent au fond et les plus pauvres sur les hauteurs, la ou il fait encore plus froid. Nous sommes a 3660 m d'altitude, bien acclimates. La pluie devale les rues en pente raide et les centaines de minibus Dodge colores crachent un epais nuage bleu dans la montee. Jerome nous fait une allergie a la pollution, vite il veut respirer l'air pur des cimes de la Cordillera Real.
Apres deux jours a la Paz, nous partons a l'assaut du Huayna Potosi, 6088 m, en compagnie de Samuel, quebecois, et Stephan, allemand. Pourquoi Julie est-elle la seule fille? Elle commence deja a douter. Arrives au premier refuge a 4750 m, il fait un froid de canard et on n'y voit pas a 2 metres. Mais qu'est-ce qui nous a pris de venir ici pendant la saison des pluies?? L'apres-midi est consacre a l'entrainement sur le glacier avec tout l'equipement, crampons, piolet, etc. Mais rien que pendant la petite marche d'approche, on sent bien l'altitude. Julie est essoufflee tous les 3 metres et se sent tres tres faible (qui se traduit par "debil" en espagnol, elle aime bien dire au guide que la elle se sent un petit peu debile!). Pour les efforts sur le glacier, c'est la meme chose. Beaucoup plus difficile qu'en Argentine du fait de l'altitude. Nous sommes a 4850 m, plus haut que le Mont-Blanc (mais comment ca on n'a monte que 100 m depuis le refuge?! impossible) et notre coeur s'emballe a chaque coup de piolet. On experimente toutes les techniques de marche, en avant, en arriere, en canard, de cote, de l'autre cote, comment planter les crampons, bref, c'est technique. Et la nous ne sommes pas encore encordes. Julie doute de plus en plus.
Apres 2 h d'entrainement, nous sommes ravis de retourner au refuge pour un petit the de coca. On espere que ca va nous aider. Surtout Jerome qui a une angine et de la fievre. Apres un copieux repas, nous brulons tout le stock de bois amene de La Paz. Ca fait du bien une chaleur qui depasse les 5 degres. Quand il n'y a plus de bois, on file au lit tout habilles. Ca promet pour la nuit suivante a 5300 m.
Au reveil, il fait un temps splendide. Voila qui nous met en joie pour la premiere ascension qui n'est pas prevue avant le debut de l'apres-midi. En decouvrant enfin la montagne en question, Julie n'est pas trop sure d'y arriver et elle se demande encore pourquoi elle s'est embarquee dans cette aventure. C'est haut quand meme.
Apres le dejeuner, nous embarquons sacs et crampons, il pleut. On n'aurait pas pu partir le matin? En chemin nous voyons un magnifique condor planer en-dessous de nous. La montee est moins difficile que ce qu'on imaginait, mais on doit quand meme s'arreter assez regulierement pour respirer. Julie a grave la patate.
Nous arrivons en un peu plus de trois heures au camp de base. Programme : une soupe et au lit, a 18h. On doit se lever a minuit pour debuter l'ascension a 1h a la lampe frontale. Pas facile de dormir saucissonnes a six dans un bunker de 4m sur 4 a 5300 m. Julie a de plus en plus mal a la tete, qu'elle attribue au matelas dans un premier temps. A minuit, bip bip bip, c'est l'heure d'enfiler les crampons. Au moment du reveil, quand elle vomit pour la premiere fois, Julie se rend compte qu'elle souffre du mal de l'altitude, le soroche. Rien n'y fait, la montagne a gagne.
Jerome lui a bien la peche meme si il tousse toujours. Les trois mecs sont prets, oups, Jerome casse une laniere de ses crampons. Stephan et Samuel partent deja avec leur guide. Apres une reparation de fortune avec un lacet de Julie, Jerome est enfin pret pour attaquer la phase finale du Huayna-Potosi en compagnie de Benicio. Encordes, encrampones et sous une tempete de neige, c'est parti pour 5h d'escalade. Apres 2h d'ascension, ils ratrappent Stephan et Samuel.
C'etait une erreur, Jerome est deja bien fatigue. Le groupe de tete reprend la route tandis que Jerome reprend un peu des forces. C'est de plus en plus difficile. Un pas puis un autre puis encore un autre et le coeur se met a battre a 180, le souffle manque! Une petite pause avant d'escalader a nouveau et le meme rythme a nouveau. Un pas, un autre, et ... une petite pause. Jerome imagine que ca doit etre ca d'avoir 90 ans.
D'apres Benicio, nous devrions encore marche 40min a plat et ensuite attaquer la cumbre, le sommet. A ce moment, dans le tete de Jerome, mille idees s'entrechoquent. J'ai mal a la tete, c'est peut-etre le debut d'une rupture d'anevrisme, je n'arrive pas a respirer, c'est peut-etre un oeudeme pulmonaire ?... Benico, je n'ai plus d'energie, la coca que je mache depuis ce matin me seche la gorge. Je sais qu'en montagne, le sommet, c'est la moitie, il faut ensuite redescendre. Jerome, un poquito mas. Ok Benicio. Jerome passe devant et apres 1h00 de calvaire, trouve un n'ieme souffle qui lui permet d'atteindre la crete a 6088m. Il y deroule la banderole qu'il a passe 4 heures a coudre a La Paz. Il a failli y laisser un petit doigt qu'il ne fait pas bon de sortir sous ces temperatures de -20 degres ! Difficile de prendre des photos de ce spectacle incroyable mais les images resteront a jamais gravees dans sa memoire.
Pendant que Julie vomit sous la puree de pois, Les lumieres de La Paz font doucement place aux doux rayons du soleil. Il faut maintenant redescendre. C'est bien plus impressionnant qu'a la montee car la, on voit bien les precipices, les crevasses. On profite un peu de la descente pour prendre quelques photos et faire un peu de rappel. Ca, Jerome aime bien meme si il est lessive. Arrivee au camp de base, la petite troupe recupere Julie pour entamer la descente finale.
Julie se sent tout de suite mieux lorsque on arrive a 4750m.
Tout est bien qui finit bien.
Apres toutes ces emotions on se rejouit d'aller dans la jungle amazonienne, au chaud et a 350 m d'altitude, voila qui devrait nous remettre sur pied.